[ LES AMOURS PARTAGÉS ]

FUITE TACITE. CHUTE TRAGIQUE.

[ MUSIQUE ] PLAYLIST DE L'HIVER

BOUCLE BOUCLÉE POUR CHAUSSURES MAL LACÉES | REAL LIES / HELENA HAUFF / PAULA TEMPLE / WHOMADEWHO / D.A.F. / KINDNESS

[ TEXTE ] LES AMOURS PARTAGÉS

L'INSOLUBILITÉ À L'EAU

[ MUSIQUE ] LA PLAYLIST DE L'ÉTÉ PASSÉ

IN AETERNAM VALE / GRAND BLANC / GAY CAT PARK / JESSICA93 / MARIE MADELEINE | [colonne musicale pour vertèbres déplacées]

[ RENCONTRE ] Fou amoureux de.. CLÉMENT.

"Vous croyez qu'on réalise ses rêves ?"

lundi 23 février 2015

[ TEXTE ] RÉTRO-FUTUR DU SENTIMENT / 2287 #2

© Jacob Aue Sobol.
[ parce que nous ne sommes d'ici, que pour là-bas, avant comme hier, des fantômes de ce qui sera, des ancêtres de ce qui a, un jour, été. Par ici comme par ailleurs, ton regard à travers l'opacité vaporeuse, comme un élixir de déjà-vu. Pour ici comme pour ailleurs, rien ne sera comme il a, un jour, été question de se retrouver. Tout s'enchaîne. Tout se fait suite. Inconsistance du temps qui passe. Tout se ressemble, et s'assemble dans nos dos décharnés. Tout se démembre. Le futur est dur. Et file plus vite qu'avant. Nos amours sont les mêmes. Fragiles. Immoraux. Sans limites. Absurdes. Sans réalité. Ni sécurité. Par ici comme par ailleurs, ton regard à travers l'opacité vaporeuse, comme un élixir de déjà-vu. ]

| lire le début ici —> 2287 #1 |

 2287 #2

Je l'ai prise contre moi. Serrée comme si c'était la première fois. Ressentie comme si c'était la dernière fois. Le temps s'est arrêté, je crois. Et j'aurais pu mourir. Enfin. Là. Dans ses bras. Parce qu'elle était tout ce que j'espérais. Tout ce que j'avais jusqu'à ce jour, aimé. Et que sa seule chaleur. Et ses humeurs nébuleuses. Je le savais, pourraient braver tous mes vides. Mon coeur congelé. Sa patience, ma peau glacée. Son indécence, mes yeux fermés. Son étrangeté, ma vie abîmée. Je l'ai prise contre moi. Ressentie comme en été. Quand le soleil vient sublimer la beauté de son grain. Je l'ai serrée fort. Comme contre la mort. Parce qu'on sait bien que l'autre ignore. La violence du coeur qui transpire. Serrée comme en été. Comme si je l'avais un jour aimée. N'ayant plus jamais peur du meilleur, puis même du pire. Laissant sa tête sur mon épaule. Se taire dans l'éternité. Et la fumée de sa cigarette, dans le silence, nous envelopper. J'ai tremblé un peu. Quand sa main s'est posée dans mon cou. Habituellement, je ne l'aurais pas laissée. Mais je la savais observer ma peau striée. Et désirer l'instant. Dans le silence craquant et l'immensité. Son doigt caressant ma clavicule, quelques secondes. J'ai tremblé. Ne la voyant toujours pas. La devinant me caresser du regard. Puis j'ai fermé les yeux. Encore et encore. Son étreinte, plus douce que le vent. Plus salutaire que l'oubli. Juste un moment, un court instant. Où je n'sais plus bien qui je suis. Mais ses lèvres dans mon cou. Et mes veines gorgées de sang. J'aurais pu mourir, pour rester là plus longtemps. Juste quelques secondes. Où l'étreinte plus douce que la colère, guérit l'ennui. Et le mortel dégoût de vie. Rester là dans ses bras. Ses lèvres dans mon cou. Me parsemer de baisers de soie. Et laisser le temps m'abattre. Parce que ses bras. Et ses dents qui croquaient alors dans ma chair. Et plus aucun vide dans lequel plonger. 

Puis. Automatismes de mauvais trip. La douleur du contact. Réalité préméditée. Claque bien méritée. Vice enfin salué. L'alcool me secoue les tripes. Et sans avoir jamais voulu la laisser. J'ai disparu.

J'ai laissé derrière son visage hermétique. La fumée de sa cigarette. La tristesse plastique d'un rapport presque automatique. Sans tact ni pratique. J'ai senti mon coeur stopper sec. Et sans jamais avoir un seul moment voulu la lâcher. J'ai laissé son corps sombrer. Sans vanité. J'ai disparu. De côté, mon désir amer. Derrière, la chaleur et l'Océan qui fait rage. TIC. L'horloge dans le hall blanc. Pas un chat. Pas un sentiment. Mais les ombres noires. TAC. Mes démons, là, alignés devant moi, tous bien en rang. Ma figure rouge-sang dans le miroir. Mes yeux noirs. Et mon sexe qui me remonte encore dans la gorge. Les ténèbres environnantes. Mon corps qui roule. Qui roule. Sur le sol en pente. TIC. 2287. Nos amours futurs. TAC. Année machinale. Je cours. Dans le noir. Les escaliers dans la rue. Je dévale. Et la nuit, qui avale.

Mon pas sur la glace. Brut. Acerbe. Le futur est rude. Et je marche sans m'arrêter. Tentant de communier au passé. Je trottine sans me retourner. Sur la douceur instantanée. Qui pendant quelques minutes, m'a submergée. Je l'ai laissée caresser ma peau. J'ai risqué l'impossible. Je secoue la tête. J'aurais du tout arrêter. Ne pas me laisser aller au faillible. Prendre le temps de tout briser. Mais. C'est que je crois que ses lèvres étaient rouges. Rouge pourpre. Je réalise qu'il pleut. Que j'ai oublié ma veste là-bas. Chez elle. Au 77e étage du rien. Et je me rappelle alors avoir aperçu ses lèvres. Quelques secondes. Dans la confusion cireuse de sa fumée de cigarette. Alors que son index inspectait ma surface. Et que je me laissais aller à la mélancolie de l'abstrait. Ses lèvres rouge pourpre. Je les vois maintenant. Je l'ai vue. Elle. Mon coeur fait un bond. Et ma peau qui s'ouvrait, ma sève, mon sang, qui pour un instant, lui coulaient dans la bouche.

Le front plissé de réflexions stériles. Je m'arrête devant la porte couleur acier du Silex. J'ai le coeur un peu coulant. Les basses du club viennent faire trembloter le métal brûlant. Il pleut toujours. Je frissonne. Et rêve d'une bière. Peut-être que j'ai froid. Machine de guerre, j'ai du marcher pendant deux heures. Sans me retourner même une seule fois. Sans tact ni pratique. J'ai disparu sans lui dire un mot. Et mes démons, tous bien rangés, dans la poche plissée de mon égo impérieux. J'ai parcouru ces kilomètres sans même ouvrir les yeux. Pour me stopper net devant la porte du Silex. Les coïncidences ont la vie dure. Il pleut froid. Le futur empoisonne. Le présent m'est loin. 2287. Il pleut. Je dois être tout froid. Mais je relève le menton, sort mon paquet de Lucky. Trottoir d'en face. Une silhouette, capuche baissée, marche d'un pas mal avisé. Je le rattrape d'un geste. Ou d'un mot. Je n'sais plus trop. Lui demande du feu. Toujours de loin. Je n'vois pas son visage. Mais il parle et vient alors heurter mon périple humanoïde. Je pourrais le tuer. Pour avoir été là. "J'aurais voulu que tu meures dans mes bras". Je fronce le sourcil. Je n'le vois toujours pas. Je n'sais plus trop si je suis moi. Je secoue la tête. Il a disparu. Je me détourne. Le futur m'emmerde. Et le présent m'est loin. Cigarette allumée, je pousse finalement la lourde porte du club. Je m'arrête un instant. Repense à ses lèvres rouges. La couleur pourpre. Ses dents dans ma chair. Ma chevalière vient claquer contre l'acier. Le futur est rude. Bien plus dur qu'il n'y paraît. Je secoue la tête à nouveau. Mon désir robotique remplace l'ennui.




lundi 16 février 2015

[TEXTE] LES AMOURS PARTAGÉS | du corps à la norme

© Kostis Fokas.
Ça sonne à la porte. Les luxures à la chaîne. Moulures dorées. Et le corps glacé. Le sexe dans un halo. Froid comme la mort, et les censures. Du café au port. J'avais marché. Sur la pointe des pieds. À me briser la semelle. Pauvre pucelle. Puis dans la lumière, et l'Océan qui caressait. Pas bien l'besoin. D'pouvoir normer le toi+moi. L'air musqué. Dans l'obscurité. Et tu disais que j'sentais bon. Puis. Les briques de soie. Qui sont tombées sans émoi. Les cafards dans l'escalier. Sur les plastiques blancs, mon nom gravé à la craie. À effacer. Comme en été. Où tout s'enchaîne. Sans vérités. Puis à ma porte. Le fer et les brouillons. Bouillon d'amour à servir tiède. J'suis tombée raide. BIM. La macabre répétition. Les mots, à la queue leu-leu. Et le vide, comme un pion Roi. BIM. Le foie collé à la rampe. À jouer les vampes. À jouer du masque. Sur scène, les mots sont creux. Il paraît qu'elle meurt pour toi. Tu sais. Enfin qu'elle meurt tout court. Plus que lui, puisqu'il est sourd. Et qu'il tourne, il tourne, il tourne, sans plus jamais s'arrêter. À t'lécher le bout du doigt. Avec amour, sans dérision. À graviter. Abeille et miel. Dans l'bleu du ciel. Puis. Paraît qu'tu étais Reine. La foi collée à la couronne. Avec moi tu es aphone. Je jette du thé sur un mur brûlant. Du corps à la norme. J'y croyais pas. Mais c'est bien là. Les cafards à ma porte. Ça s'enchaîne. Ça sent l'graillon. Les codes comme bijou de corps. Je peste que ça s'arrête. Les codes me grattent la chair. Et elle. Elle danse sans trop bien voir. Qu'son moule est dev'nu cheap. Qu'elle a l'envie qui R.I.P. En un rien d'temps. Et qu'les envies d'no-limit, m'enlèvent l'envie d'braver les normes. J'avais besoin d'nager dans les spectres de lumière blanche. Puis d'caresser ta peau comme dans un mauvais rêve. Où on sait bien qu'tout s'éteindra. Quand vient la nuit. Et la vraie vie. Mais qu'c'est tant pis. Puis les codes. Et les normes. Les extrémités qui grincent. Et la société qui m'gratte. Qui m'gratte. Qui m'gratte. Qui m'gratte la rate.


mardi 10 février 2015

[ TEXTE ] LES AMOURS PARTAGÉS | L'NSOLUBILITÉ À L'EAU

J'aimerais bien m'poser là. Près de l'eau. Pour boire un sirop. Ou une menthe à l'eau. Regarder les bateaux passer. Et n'pas avoir envie qu'tu sois là. Regarder les mouettes chanter. Et n'pas avoir envie d't'entendre. J'aimerais jouer dans l'herbe aussi. Et n'pas avoir envie qu'tu m'regardes me dégourdir. J'aimerais pouvoir te sourire, aussi. Sans aucune peur de t'voir partir. Enfin, parti, tu l'es. Et j'sais plus bien si j'vois encore ton visage. J'sais plus bien à quoi tu r'ssembles quand tu vas bien. J'sais plus bien à quoi tu sens. Ce que j'ressens quand t'es là. Quand t'es là, puis qu'tu bouges pas.

J'aimerais bien me poser là. Et n'plus voir ton reflet un peu flou. Dans les flaques d'eau que j'fracasse quand j'marche. J'aimerais bien qu'tu sois là. Encore. Quelque part. À m'crier d'ssus parce que t'as peur. À m'apprendre la vie dans un brin d'herbe. J'aimerais bien qu'tu m'dises. Que t'es fier. Que j'suis la plus jolie. L'espoir de toute une vie. Une fleur, une perle, un rayon d'soleil dans la nuit. J'aim'rais bien qu'tu m'prennes dans tes bras. Aussi. Enfin qu'tu m'prennes dans tes bras surtout. Puis qu'tu m'serres très fort. Puis qu'tu ronchonnes. Qu't'essaies d'avoir raison. Encore et encore. J'aim'rais bien m'dire. Le sourire en coin. Qu't'es qu'un vieux con. Mais que j't'aime, non sans raison.

J'aim'rais bien me poser là. Sans avoir envie d'te voir. Encore une fois. Encore et encore. Une dernière fois. Déjà j'me demande si tu m'entends. Si tu m'écoutes, aussi. Quand j'monte tout en haut. Puis que j'regarde le château. Là-bas. Que j'me tais un peu. Puis que j'commence à t'parler. À chipoter des  "j't'aime", "si tu savais...". À renifler, aussi. Un peu fort. Un peu pour rien. Parce que j'sais plus. Parce que juste, que j'sais plus bien. Ton reflet dans la vitre. Les rétros. Et tous les mots.

J'me souviens juste du froid. Et des conneries d'ados. De mes silences. De mes envies de rien. Puis des regrets. De mes envies d'briser la glace. Alors qu'il est trop tard. Mes envies d'fracasser les flaques, parce qu'il est tard. Puis que déjà, tu pars. N'pas regretter, de n'pas avoir dit. De rien avoir dit. Déjà, j'me d'mande si tu m'entends. Si tu m'écoutes même quand j'parle un peu trop. Puis si tu m'aimes encore. Encore et encore. Au moins encore un peu. Même s'il est tard. Même s'il est tard. J'voudrais savoir si tu m'écoutes. Au moins encore un peu. Même si j'dis des conneries. Même si j'dors plus trop quand vient la nuit. Même si dans l'eau du bain. Ton reflet, un peu flou. Mon regard, un peu trop mou.

J'aim'rais bien me poser là. Laisser le vent m'effacer. Juste quelques minutes. Dans le vert et la lumière d'or. Parce que je suis minuscule. Parce que c'est l'été indien. Encore un peu. Et que rien n'peut mourir, comme ça. Pour trois fois rien. J'aim'rais bien poser mes fesses dans l'herbe. Regarder le château de l'autre côté de la colline. Rêver et suer de piscine. Parce que le soleil sur mes veines. Les escapades toujours trop vite. Et ma peau marron comme un transit. Repenser au feu d'artifice. Puis t'entendre flinguer les chardons. Là-bas, derrière, dans le champ. Me voir sans avoir à m'regarder. Et siffler des vieilles chansons. Qui m'font tourner en rond. J'aim'rais m'poser là. Sans m'demander si tu m'aimes encore. Sans avoir envie qu'tu r'viennes. Puis sans m'crever l'coeur de plus t'entendre. J'aimerais pouvoir encore me taire. Et engloutie par la nuit. Écouter ta canne frapper les murs. Et les fantômes de pacotille. Un coup pour les "j't'aime". Deux pour les "j'écoute". Trois pour les "ma fille".

Y'a rien qui s'dissout, dans l'eau. Ni nos peurs de mourir comme des cons. Ni nos regrets à figure de raison. Surtout pas dans les flaques, qu'on fracasse du talon.


mercredi 4 février 2015

[ TEXTE ] RÉTRO-FUTUR DU SENTIMENT / 2287 #1

Nobuyoshi Araki.

[ parce que nous ne sommes d'ici, que pour là-bas, avant comme hier, des fantômes de ce qui sera, des ancêtres de ce qui a, un jour, été. Par ici comme par ailleurs, ton regard à travers l'opacité vaporeuse, comme un élixir de déjà-vu. Pour ici comme pour ailleurs, rien ne sera comme il a, un jour, été question de se retrouver. Tout s'enchaîne. Tout se fait suite. Inconsistance du temps qui passe. Tout se ressemble, et s'assemble dans nos dos décharnés. Tout se démembre. Le futur est dur. Et file plus vite qu'avant. Nos amours sont les mêmes. Fragiles. Immoraux. Sans limites. Absurdes. Sans réalité. Ni sécurité. Par ici comme par ailleurs, ton regard à travers l'opacité vaporeuse, comme un élixir de déjà-vu. ]


2287 #1

La chaleur est pesante. Mais à l'intérieur, le froid. Je ne sais plus trop si je suis moi. Les printemps me passent dessus sans prévenir. Les étés m'absorbent et me rejettent. Les fleurs qu'elle me tend par dessus l'épaule. Je n'les vois plus que dans les rêves. Et la chaleur est pesante. Loin d'une trêve. Je marche à m'en déboiter le talon. Besoin d'un truc sain. D'une main douce pour me caresser la vie. Mais j'ai la tangente. L'absence qui me hante. L'abandon pour prison. Je suis con. Je suis froid. Je n'sais plus trop si je suis moi. Mon désir robotique remplace l'ennui.

Je sonne. La porte est lourde. Hall d'immeuble blanc et pas un chat noir. Le tic et le tac de l'horloge me rappellent quelque chose. TIC. Ma tête en vrac. TAC. Les relents d'alcool m'ôtent l'envie de faire une pause. Fermer la bouche. N'ouvrir qu'à moitié les yeux. Voilà, c'est ça. C'est mieux. Ça tourne un peu moins, déjà. Je suis blonde. Ou peut-être brune. Je suis femme et assassine. Et son regard, qui me mine... Je me cale dans l'ascenseur jusqu'au 77e étage. Tout est lent. Haletant. Alors que la grosse masse s'élève dans les airs. Mon sexe me remonte dans la gorge. J'ai les mains moites. Les poumons qui boitent. J'allume une cigarette. Les chiffres clignotent. Mon désir automatique force l'envie. Le 36e sonne l'alerte. Je sais bien, que je cours à ma perte. 49e et des brouettes. Derrière la surface vitrée, des mouettes viennent me narguer. Je n'sais pas si je suis moi. Je n'sais plus si je suis là. La sonnerie claque. Les portes s'ouvrent. L'alcool me titube dans l'estomac. Je peine à me redresser. Ma main dans la cendre. Je vomis par dessus bord. Déjà. Je regarde ma montre. Il est 8h46. Déjà. Je suis sans doute un peu moins mort.


Le mur. Le bleu Roi du mur au fond du couloir. Les portes vertes me filent la gerbe. Le futur est dur. Si vous saviez. Il file plus vite qu'avant. Je n'sais même plus si je suis là. À me déboiter le talon dans ce couloir puant. Au fond, le mur bleu. L'envie me cogne contre les genoux. Ce bleu Roi, je le connais par coeur. À mesure que les portes filent sur mon passage, j'aperçois la sienne. Je vois déjà ses ongles dans l'embrasure de la porte entrouverte. La chaleur est de plus en plus pesante. Les portes vertes défilent. Je me tiens la gorge. L'odeur est prenante. Je cours. Non. Je tombe vers l'avant. À toute allure, mes mains sur les murs, essuient les fissures. Sa porte est presque là. Je ne suis pas bien droite. Ma démarche est lourde. Enfin, je vois sa main. Posée sur la poignée. TIC. Grain de beauté sur peau claire. Je sombre un peu. TAC.


Je ne la vois pas encore. L'entrée de l'appartement n'est plus que fumée de cigarette. Mais sa main, là, posée sur la poignée. Et mes lèvres qui la baisent. Non. Je suis toujours branlante. Silencieuse. À la porte. Et je fronce le sourcil. À travers l'opaque couverture vaporeuse, je la vois gigoter. Balancer la tête de gauche à droite. L'air de dire.. l'air de ne rien dire. Elle badine, au juste. Comme un samedi soir. Que les verres s'agitent. Et que je ne cogite pas trop, quand elle m'enlace le cou à pleine bouche. Elle badine. Je prends le rite pour acquis. Je m'élance. Doucement. M'approche. Sur le sol, ses vêtements éparpillés. Elle me tend la main. L'air de dire.. l'air de n'rien dire, au juste. Je n'sais plus bien si je la prends. Elle est là, tout près. Et j'ai encore froid. La chaleur est pesante. Mais je suis tout froid. Je caresse son cou du regard. Elle est nue. La peau est claire. TIC. Sa main sur la mienne. TAC. La peau est froide. Comme la mort et les souvenirs. Je plisse un peu les yeux. L'angoisse me triture le ventre. 

Nos corps se sont détournés. J'ai traversé la pièce d'un trait. Sans ni la voir, ni la regarder vraiment. Parce que je sais qu'elle me ment. Quand mes yeux se penchent sur elle. Ce n'est jamais vraiment la nuit. Mais chaque fois, un peu plus, elle me ment. Alors j'ai traversé la pièce d'un trait. Elle fait chauffer de l'eau maintenant. Je suis tout froid. Je tremble à la fenêtre. Par moments, je me tourne un peu vers elle. J'essaie de me perdre dans la beauté de son grain. À travers la fumée de sa cigarette. Je n'suis pas bien sûre qu'elle soit réelle. Je vois bien qu'elle s'échappe. Quand je la regarde et qu'elle me ment. Que ce n'est pas la nuit, mais qu'un peu plus à chaque fois, elle me ment. Alors je cherche. Ses cheveux bruns. Sa peau claire. La beauté de son grain. Les lèvres roses des matins. Je détourne le regard. De toute manière, je ne vois rien. Rien n'est transparent. Le futur file à toute allure. Bien plus vite qu'à notre rencontre. Je me rends compte que le temps passe. Lui demande de s'habiller. Je me détourne d'elle encore une fois. Je suis pressée. D'un coup. Je n'sais plus bien pourquoi. Mais je me détourne, tremblante, pressée de je n'sais rien. À la fenêtre, je me concentre. Je tente d'observer la vie, en bas. La vie des gens normaux. Qui ne mentent, ni ne se détournent du temps qui file. Elle m'embrasse dans le cou. TIC. Non, ce n'est que la fumée de cigarette. Qui se glisse le long de mon corps. À la frustration je me heurte. Encore une fois. Je n'sais plus bien si je suis moi. Mon coeur s'agite un peu plus bas. Je siffle tranquillement pour oublier. TAC. Non, c'est la bouilloire qui s'excite. Je prends le rite pour acquis. Mon désir robotique remplace l'ennui.

Elle remplit ma tasse. Elle a enfilé une robe bleue. Je ne la vois toujours pas. Je ne vois que la couleur de l'air. Je fronce les sourcils encore un peu. Mais, je crois que je m'en fiche. Le quotidien n'est que friche. 2287 dans le rétro, déjà. Je me fiche de sa main dans la mienne. De sa bouche dans mon cou. Je traverse la pièce. L'alcool me chavire dans l'estomac à chaque pas. Je me paralyse volontairement, me retourne une dernière fois. Toujours, dans la cuisine, la fumée de cigarette pour opacité. A-t-elle déjà été là ? Puis-je réellement m'en foutre, alors qu'il est tard ? Le futur est dur. Le filtre est loi. Oui. Je me fiche qu'elle triche. Je me fiche qu'elle mente. J'annihile frustration et attachement. Le futur est dur. Et file à toute allure. Elle sait bien qu'elle est Reine. Derrière sa porte bleue Roi. La tête en vrac. TIC. Je baisse les bras. TAC. Je ne la vois pas. Mais je sens sa main. Le froid et la douleur. Contact inhumain. Comme un mauvais coup de rein. Elle agrippe sa main à la mienne. Je me fiche de la pression des corps. Je me fiche que le temps file dans m'attendre. J'annihile l'envie. Sa main cramponnée à la mienne. Ma résistance est vaine. Le sang pourrait couler. J'ai beau m'en foutre, bien. Je résiste, mal. Je suis mauvaise pour les départs. Neuf heures et quart. Elle est là, dans mon dos. J'aurais voulu m'en foutre plus tôt. Déjà, elle pose sa tête sur mon épaule. Son corps contre le mien, comme suspendu dans les airs. A-t-elle seulement un jour été là ? Je sais, que la chaleur est pesante. Que peut-être que j'étouffe. Mais je suis froid. 
Comme la mort et les souvenirs, qui rient à gorge tranchée. Je plisse un peu les yeux. L'angoisse me triture le ventre. Ma main sur le mur, qui essuie les fissures. TIC. L'horloge sans vie. Le temps et ses ruptures. TAC. Volontairement paralysée. Je vomis sur mes chaussures.

Masao Yamamoto.

dimanche 1 février 2015

[ TEXTE ] LES AMOURS PARTAGÉS | les Amours Fous

© Sara Imloul / © retouche L'Amour Fou.

L'Amour Fou. Prince assassin. Héritier de rien. Concessions pour passion. Dissuasion dissimulée. Fruits de saison. L'acidité, et le coeur qui cogne. Ne pas ouvrir les yeux. Et voir le feu. S'en tenir à lui. Même s'il nous nuit. Et l'hiver qui arrache les larmes. Le froid, les entrailles, et la maille qui file. Les armes sans équilibre. Les balances qui penchent à l'infini. Le sourcil qui décline. Éveil tangible. Erreur de perception. En plein dans le mille. 

Et les Amours Fous qui rient à gorge tranchée. Les insolites fusions. Sans lendemain. Tendre la main. Vers ce qui n'est pas. Puis la suite. Ce qui n'suit à rien. L'heure de partir. L'intangible confusion des sens. Les coeurs qui s'emballent. Et les trains qui vrombissent. L'angoisse toute lisse. Qui retient le temps. Le temps d'en crever. À ramasser les trop rien. Puis la suite. Ce qui n'suit à rien. Retenir le coeur. Et les effusions, lovées en son sein. Privées, à couper le souffle. Sacrifiées, pour un coup de rein. La fumée dans un halo de lumière. Tiens, prends ma main. J'ai la fièvre, et tu t'en fiche. Ta race, pas peu fière. D'avoir glissé sur c'qui n'fait rien. Miche de pain. Et les délires incestueux. Le sexe dans sa main. Ne pas toucher, surtout. À ses airs de rien. Et le raisin vert qu'elle tient en son sein.


L'Amour Fou, comme une erreur, un truc qui fait peur. Qui retient la coupe. Pas bien rassurés, les renards furtifs. Corrosif le miroir qui sourit. Totems de pacotille. Motels de mauvais film. C'est toi la cible. Les balles criblent. Le coeur, qui se retient. Et les souvenirs qui abîment. Qui grincent juste pour la nuit. Puis le matin grincheux. Et le jour qui arrache les larmes. Qui à peine, t'émeuvent. L'hiver broie l'espoir. Comme un pantin à la foire. Ma main sur la paroi, de ce qui n'fait rien. Les murs, dans Ma gueule. Ma gueule, dans la meule. Broyée pour trois fois rien. Et les briques qui n'tombent pas plus. Pas plus que moins. C'était certain. Tant qu'on est là. À s'curer la peine. Se dire qu'elle est bien lasse. Qu'en valoir le coup, c'est déjà ça. Un truc unique. Un truc magique. Et dans les yeux, qui pique. PIC. Et ricoche sur l'étendue glacée des jours d'avant. Mauvais refrain. De c'qui est vain. De c'qui atteint. Et le coeur, qui se retient.


Les Amours Fous. Fous mais pas pour rien. Fouine mais pas conne. L'Amour. Un truc un peu poussiéreux. Qu'on asticote comme un sexe qui se dresse. Par habitude. Frustration fertile. Ennui. Ou peur du vide. Trop haut, tomber d'avance. Trop tard, mourir d'en bas. Mourir en fond sonore. En arrière-plan des pas assez et des trop rien. Des "je sais plus" et des trop plein. Et les envolées frénétiques. Les notes qui s'esquintent sous les doigts. Souvenirs malingres. Putrides. Pudiques aussi. Un peu. Les sentiments déposés là. Dépossédés de sens. Essence même des vies qui coulent /  Alors à reculons. Sur le fil tendu là derrière. Par un centaure 
saltimbanque. Les yeux fermés. Équilibriste des jours sans. Tu marches. Tu marches. Ne jamais s'arrêter. Ou sauter. Fauter comme à l'usure. Équilibriste du jour qui ment. Les menthes à l'eau comme artifice. Lancées à la gueule. Bijou de corps pour liquide usurpateur. Ou mauvais sort. À jeter par dessus bord. Plaisir implacable. Ne penser à rien. Et haïr le sommeil. Les sexes étouffés. Puis l'oubli. Mais, juste, je m'en sors. Sans saveur, alors. Et les instants saisis. Putrides. Pudiques aussi. Un peu. Les instants cachés. Les clandestinités nouées. Et les souvenirs qui se créent dans l'ombre. D'un fruit mal décortiqué. L'Amour Fou pour seul absurdité. Et les concessions qui ressemblent à des passions. Le mur dans le rétro. L'intangible confusion.