mercredi 28 janvier 2015

[ FLASH-BACK ] SOUVENIR INOPPORTUN : V.I.E.T.N.A.M. 1. / JANVIER - FÉVRIER 2014 | LE CUL MARRON DES VACHES À MOTO |

Ha Bon Dieu. Il y a un an jour pour jour. Le Vietnam. Et les sentiments contrastés. Les errances de bord de mer. Les virées à moto. Et mon "driver" qui m'offrait un ca phe sua da (café glacé). Chantant à tue-tête mon prénom qui le faisait mourir de rire, sur les routes poussiéreuses. Le paradis. Et les lumières obscures et criblées des immondices heureux de la terre. Alors je me rappelle, ce texte, et le cul des grosses vaches que j'apercevais dans les rêves de jour.




On sait jamais trop bien pourquoi on part. Certains disent, par contre, que l'on sait toujours pourquoi on revient. Que c'est lorsque l'on est loin. Qu'on réalise. Qu'on se rend compte. Qu'on reconnaît la mesure. À l'usure du temps qui passe. Au fur et à mesure que le manque s'installe. On devient pâle. D'un coup. À ce moment précis où l'équilibre se perd. Où la tête se tourne. Où les veines clignotent. Et la peau se tremble. On devient pâle. D'un coup. À ce moment précis où des vaches à moto te tournent le dos. Et te crient en passant. Que loin tu es. Loin tu resteras. On devient pâle. Blême. On râle. Un peu. On rage. Beaucoup. Par impression de ne pas être si loin. Par envie de ne plus être là-bas. Et pourtant de vouloir serrer les bras. Voir les visages. Toucher les peaux. Pouvoir prononcer quelques mots. Sans que les réseaux lâchent. Sans que les Internets ne se fâchent. On blêmit. Pendant quelques secondes. Parfois quelques minutes. Puis on sourit. D'un coup. Parce qu'il est bon. Parfois. De perdre le contrôle. De se laisser balancer d'un bus à l'autre. Sans un sourire. Sans un au-revoir ni une main sur les fesses. Ses doigts qui s'enfoncent dans ton bras. Sa moustache d'adolescent qui lui donne des airs de gros dur. Sa nervosité. Palpitante. Un peu flippante. Qui vient se heurter en plein dans tes envies de bonne humeur. Ni bonne ni mauvaise humeur ici. Des choses qui se font vite. Trop vite. Et d'autres qui se font parfois tellement lentement qu'on les croirait à reculons. Comme si elles n'existaient pas. Ni bonne ni mauvaise humeur ici. Des sourires imperceptibles. Apprendre à lire sur le front des bonhommes, dans les mains des bonnes femmes, sur le cul des vaches à moto. On devient pâle ici. Schizophrène. Passer de la violence à la sérénité. En un doigt posé sur la table. En un mot abattu sur ta poitrine. En une main tendue par-delà les mots qui ne veulent rien dire. Oui. On devient pâle ici. Parce que les glaces au riz. Parce que les nouilles sautées au poulet. Parce que les soupes. Et le coriandre frais qui fait tourner la tête. Puis parce que les motos. Les milliers de motos. Les vaches qui flirtent avec le vide. Le riz qui ne pousse pas encore. Les regards insistants. Les joues roses des enfants. Qui tournent. Tournent autour de toi. Avant un éternel et furtif "hello !". Les enfants qui partent en courant. Le rire facile. La naïveté jolie. Le soleil du Vietnam. Et les riches dans leurs voitures. Je crois l'apercevoir parfois. Mais c'est qu'ils se ressemblent tous. Et que je ne suis qu'une grosse conne raciste. Oui. On devient pâle ici. Et non. On sait pas trop bien pourquoi on y est. On sait pas trop non plus pourquoi on en partira. Ce que l'on sait, c'est qu'effectivement, on ne sait plus grand chose. Ici. Et que désapprendre ce que l'on est, c'est pâlir un peu trop fort. C'est la violence du réveil d'un nouveau-né. Derrière le cul marron des vaches à moto. Le réveil des nouveaux-nés. Derrière le cul marron des grosses vaches à moto. Un jour je dirai à mes gosses "tu sais, j'ai fait le Vietnam" ; et évidemment, parce que je suis moi, et pas les autres, il me faudra rajouter "mais tu sais, j'ai jamais trop su de quel côté j'étais vraiment". 

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