jeudi 12 mars 2015

[ TEXTE ] RÉTRO-FUTUR DU SENTIMENT | LETTRE DE RUPTURE À PAIEMENT COMPTANT

© Stéphanie Schneider.
Chère toi, 

J'ai pas envie. Pas envie qu'tu m'aimes. Pas envie qu'tu m'souries. Qu'tu m'dises que la vie, tes nuits, le matin, tout ça, c'est tout pour moi. C'est trop pour moi. J'ai plus la foi. Tu vois. J'ai pas envie. Tu sais. Pas envie d'savoir que tout peut rouler. Comme sur des roulettes. Innocemment. Insensé. Roulette russe à la r'traite. J'ai pas envie de t'voir tout bas. Pleurer contre moi. Envie qu'tu m'aimes pas. Qu'à mes pieds tu t'rabaisses pas. J'te veux pas, tu le sais, sous mon talon qui s'écrase. Sous mon vide qu'tu paraphrases. Sous mes jupes, et mes murs que tu rases. 

J'ai envie. Tu vois. De l'impossible. Envie qu'tu m'pousses contre un mur. Que tout soit dur. Ton coeur. Et puis l'futur. Envie qu'tu m'maltraites. Envie qu'tu sois ma cure. Mon pansement sympa. Puis qu'tu m'oublies, pour trois fois rien. Puis qu'tu m'fasses mal, plutôt qu'du bien. Ne m'aime pas, non, arrête. STOP. Assurée, la défaite. Parce que j'suis pas faite, tu vois. Pour les envies à deux. Et les assurances qu'on paie comptant. Pas envie, tu vois. Des nuits qu'tu m'offres d'un air heureux. Pas faite pour qu'tu saches. Ni même pour qu'tu croies savoir. Que c'est moi, et personne d'autre. Que c'est moi et pas une autre. J'préfère te dire, que c'est ma faute. Tu vois. Les contrats sont salaces. J'préfère prév'nir. Que la machine est cassée. Qu'les jours d'après sont mal vissés. J'préfère savoir qu'tu riras, aussi. En lisant mes mots bêchés. Puis qu'tu t'diras, au fond, que j'suis vraiment vraiment perchée. 

J'suis déjà loin, tu l'vois, non ? Partie depuis longtemps. Pourrie même bien avant. Qu'tu débarques la fleur aux dents. Qu'tu veuilles de moi, pour le printemps. 

Parce que j't'ai pas aimée. Et que j'ai honte, un peu, de m'sentir effacée. De la surface. Et de moi-même. J'aim'rais bien jouer, à pile ou face. Ne pas r'gretter de n'pas t'aimer. J'regrette pourtant. De m'sentir partir. Comme ça, pour trois fois rien. Effacée d'la carte. Gommée à jamais. Parce que les 'toujours' en travers. Et la gorge pleine de nerfs. Tu vois, pour trois fois rien. Toujours les mêmes envies de rien. L'amour est chien. J'essaie d'pleurer. Même ça, j'y arrive pas.

J'voudrais qu'tu m'serres. Sans tendresse. Parce que ça presse, tu sais. Et que j'meurs un peu. Quand tu m'aimes trop. J'voudrais qu'tu prennes au cou. Puis qu'tu t'agrippes. Que tu t'agrippes. Et qu'tu lâches rien. Qu'tu laisses ton poids baiser mes maux. Que tu m'laisses moi, rayer la nuit. D'un trait bleu roi. D'un verre bien mal servi. J'voudrais qu'tu m'fuies, aussi. Qu'tu saches toute ma colère. Qu'tu saches que tu me perds. À m'serrer trop doux. À m'baiser trop mou. J'voudrais juste qu'tu saches quoi faire.

J'ai plus la foi, tu vois. De te dire que j'ai plus mal. De plus savoir l'air que j'avale. Et de plus r'ssentir les balles. Quand tu m'engueules. Et qu'tu t'sens seule. J'voudrais qu'tu cries. Un peu. Enfin très fort. J'voudrais qu't'ailles chercher. Dans tes tripes encore bleutées. La force de m'éviter. 

La pluie m'tombe plus dans la nuque, tu vois. Je sens plus rien, tu vois. Ni le feu. Ni la glace. Ni ton reflet dans la glace. Ton ombre dans l'miroir. Quand on s'endort, et qu'il fait noir. J'te sens même plus, quand tu te couches. Que tu m'parcours de baisers froids. Je frisonne plus. Quand tu m'enlaces. Et qu'on danse non sans effroi. Sans l'obscurité qui étouffe. Même quand tu ris, je sais plus bien. Je sais juste que j'sais plus rien. 

Ne m'en veux pas. Je te vois plus. Je te sens plus. Je voudrais disparaître, et toi avec. Je suis un monstre. Ha oui. Tu crois ? Juste. Juste, j'veux plus qu'tu m'reluques. J'voudrais qu'tu m'voies. Que tu m'rencontres. Encore une fois. Qu'on s'connaisse pas. Puis qu'tu m'défonces. La tête et l'estomac. La main toute pleine de ronces. Au lieu d'm'embrasser et d'me promettre. À l'arrachée, des projets trop liquoreux. Barre toi donc, avec ton air heureux. Et tes croyances toutes pleines de noeuds. J'voudrais qu'tu saches que j'suis pas bonne. Que tu m'arraches le coeur. Si j'en ai un. Que tu m'frappes un peu, avec vigueur. Là, sur la joue, quand j'fais la moue. Que je me moque. Que j'te provoque. J'préfère qu'tu saches. Que c'est ma faute, pas celle d'une autre. Tant que j'le peux. J'voudrais qu'on sonne le glas. Aussi. Parce que t'as pas l'air de comprendre. Parce que j'suis lasse, de t'expliquer, que j'suis plus là. Que tu me parles, mais qu'j'entends pas. Que j'suis pas faite pour toi. Ni pour tout ça. J'suis faite tout court. Pas pour l'amour. Enfin l'brutal. Celui qu'est court. Et les vents sourds. Oui, les vents sourds.

Diane.

0 commentaires :

Enregistrer un commentaire